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À la croisée des convoitises

Les Hafsides de Tunis s’essoufflent et perdent peu à peu, après la bataille de Kairouan en 1348, le contrôle de leurs territoires au profit des Mérinides d’Abu Inan Faris, alors que, frappée de plein fouet par la peste de 1384, l’Ifriqiya continue de subir une désertification démographique amorcée par les invasions hilaliennes. C’est alors que commencent à arriver les Maures musulmans et juifs andalous fuyant la déchéance du royaume de Grenade en 1492 et occasionnant des problèmes d’assimilation. En une dizaine d’années, les souverains espagnols Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille prennent les cités de Mers el-Kébir, Oran, Bougie, Tripoli et l’îlot situé en face d’Alger. Pour s’en libérer, les autorités de la cité sollicitent l’aide de deux corsaires renommés, d’origine grecque : les frères Arudj et Khayr ad-Din Barbaros ou Barberousse.

La Tunisie offrant un environnement favorable, les frères Barberousse s’y illustrent : Arudj reçoit en effet du souverain hafside aux abois l’autorisation d’utiliser le port de La Goulette puis l’île de Djerba comme base. Après la mort d’Arudj, son frère Khayr ad-Din se place dans la vassalité du sultan d’Istanbul. Nommé grand amiral de l’Empire ottoman, il s’empare de Tunis en 1534 mais doit se retirer après la prise de la ville par l’armada que Charles Quint mène en 1535,. En 1560, Dragut parvient à Djerba et, en 1574, Tunis est reprise par les Ottomans, qui font de la Tunisie une province de l’empire en 1575. Pourtant, malgré leurs victoires, les Ottomans ne s’implantent guère en Tunisie. Au cours du XVIIe siècle, leur rôle ne cesse de décroître au profit des dirigeants locaux qui s’émancipent progressivement de la tutelle du sultan d’Istanbul alors que seuls 4 000 janissaires sont en poste à Tunis. Au bout de quelques années d’administration turque, plus précisément en 1590, ces janissaires s’insurgent, plaçant à la tête de l’État un dey et, sous ses ordres, un bey chargé du contrôle du territoire et de la collecte des impôts. Ce dernier ne tarde pas à devenir le personnage essentiel de la régence aux côtés du pacha, qui reste confiné dans le rôle honorifique de représentant du sultan ottoman, au point qu’une dynastie beylicale finit par être fondée par Mourad Bey en 1612. Le 15 juillet 1705, Hussein I Bey fonde la dynastie des Husseinites. Quoique toujours officiellement province de l’Empire ottoman, la Tunisie acquiert une grande autonomie au XIXe siècle, notamment avec Ahmed I Bey, régnant de 1837 à 1855, qui enclenche un processus de modernisation. À cette époque, le pays vit de profondes réformes, comme l’abolition de l’esclavage et l’adoption en 1861 d’une constitution et manque même de devenir une république indépendante.

Il est difficile de mesurer l’importance des influences turques qui demeurent en Tunisie. Quelques monuments affichent leur filiation ottomane. Dans un autre domaine, l’art des tapis, qui existait pour certains avant l’arrivée des Ottomans, voit les productions de Kairouan présenter au XVIIIe siècle des motifs purement anatoliens. Malgré ces influences perceptibles dans l’aspect des objets manufacturés, l’empreinte de l’Italie voisine se fait de plus en plus manifeste au cours du XVIIIe siècle, tant dans l’architecture que dans la décoration, marquant ainsi une ouverture du pays à l’Europe.

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