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Historiographie des Juifs de Tunisie

Après la conquête musulmane de la Tunisie, le judaïsme tunisien passe de périodes de relative liberté voire d’apogée culturel à des temps de discrimination plus marquée. L’arrivée sur son sol de Juifs expulsés de la péninsule Ibérique, souvent par l’intermédiaire de Livourne, modifie considérablement son visage. Sa situation économique, sociale et culturelle s’améliore fortement à l’avènement du protectorat français avant d’être compromise durant la Seconde Guerre mondiale, avec l’occupation du pays par l’Axe. La création d’Israël en 1948 suscite une réaction antisioniste généralisée du monde arabe, sur laquelle se greffent l’agitation nationaliste, la nationalisation d’entreprises, l’arabisation de l’enseignement et d’une partie de l’administration. Les Juifs quittent la Tunisie en masse à partir des années 1950, en raison des problèmes évoqués et du climat hostile engendré par la crise de Bizerte en 1961 et la guerre des Six Jours en 1967. La population juive de Tunisie, estimée à environ 100 000 individus en 1948, n’est plus que de 1 500 individus en 2003, soit moins de 0,1 % de la population totale. En 2018, la communauté la plus importante est celle de Djerba, bien devant celle de Tunis.
La diaspora juive de Tunisie est répartie entre Israël et la France, où elle a préservé son identité communautaire, au travers de ses traditions, majoritairement tributaires du judaïsme séfarade, mais conservant ses spécificités propres. Le judaïsme djerbien en particulier, considéré comme plus fidèle à la tradition car resté hors de la sphère d’influence des courants modernistes, joue un rôle dominant.

Historiographie

L’histoire des Juifs de Tunisie (jusqu’à l’établissement du protectorat français) est étudiée pour la première fois par David Cazès en 1888 dans son Essai sur l’histoire des Israélites de Tunisie ; André Chouraqui (1952) et Haïm Zeev Hirschberg (1965) en font autant, dans le contexte plus général du judaïsme nord-africain. La recherche sur le sujet a été enrichie ensuite par Robert Attal et Yitzhak Avrahami. En outre, diverses institutions, parmi lesquelles le musée d’ethnologie et de folklore de Haïfa, l’Université hébraïque de Jérusalem, l’Institut israélien de musique liturgique et l’Institut Ben-Zvi collectent les témoignages matériels (vêtements traditionnels, broderies, dentelles, bijoux, etc.), traditions (contes populaires, chants liturgiques, etc.) et manuscrits ainsi que les livres et journaux judéo-arabes.

Paul Sebag est le premier à fournir dans son Histoire des Juifs de Tunisie : des origines à nos jours (1991) un premier développement entièrement consacré à l’histoire de cette communauté. En Tunisie, à la suite de la thèse d’Abdelkrim Allagui, un groupe sous la direction de Habib Kazdaghli et Abdelhamid Larguèche fait entrer la thématique dans le champ des recherches universitaires nationales. Fondée à Paris le 3 juin 1997, la Société d’histoire des Juifs de Tunisie contribue à la recherche sur les Juifs de Tunisie et transmet leur histoire par le biais de conférences, colloques et expositions.

Selon Michel Abitbol, l’étude du judaïsme tunisien a connu son grand essor lors de la dissolution progressive de la communauté juive dans le contexte de la décolonisation et de l’évolution du conflit israélo-arabe alors que Habib Kazdaghli estime que le départ de la communauté est la cause du faible nombre d’études liées au sujet. Kazdaghli fait cependant remarquer que leur production augmente dès les années 1990, du fait d’auteurs rattachés à cette communauté, et que les associations de Juifs originaires de telle ou telle communauté (Ariana, Bizerte, etc.) ou de Tunisie se multiplient. Quant au sort de la communauté juive durant la période de l’occupation allemande de la Tunisie (1942-1943), il reste relativement peu évoqué et le colloque sur la communauté juive de Tunisie tenu à l’Université de La Manouba en février 1998 (le premier du genre sur ce thème de recherche) ne l’évoque pas7. Cependant, le travail de mémoire de la communauté existe, avec les témoignages de Robert Borgel et Paul Ghez, les romans La Statue de sel d’Albert Memmi et Villa Jasmin de Serge Moati ainsi que les travaux de quelques historiens.

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